Pow Pow, t’es mort ! La critique t’as descendu comme un chien galeux ; un vulgaire Jos Bleau qui ne mérite que les foudres et l’opprobre. L’appréciation de l’art est subjective et la rançon de la gloire éphémère. Très peu vivent de leur talent. Mais qu’en est-il lorsqu’on veut votre peau parce que vous êtes trop fort dans votre domaine. Il y aura toujours des jaloux et parfois des voyous pour vous percer des trous comme ce desperado assez désespéré pour Tuer le peintre.
Le peintre en question est Charles Marion Russell, un autodidacte qui a couché sur canevas la conquête de l’Ouest américain : paysages, personnages, braquages… c’est d’ailleurs pour cette raison que sa tête est mise à prix. Un bandit ayant fait preuve d’amateurisme en négligeant de masquer son visage s’est reconnu dans un de ses tableaux qui seront bientôt exposés à la vue de tous. Bon d’accord, on a presque besoin d’une loupe pour l’apercevoir, mais il s’y trouve quand même. En plus, qui ne remarque pas la présence d’un homme planté là avec son chevalet ? Ce n’est pas comme s’il avait été furtif en mitraillant des clichés avec sa caméra. En tout cas, notre cowboy ne veut pas que cette toile sorte de l’atelier et tente de faire disparaître la preuve incriminante avec des liasses de billets verts.

Entre en scène un chasseur de primes binoclard tirant plus vite que son ombre. À cheval sur son euh… cheval, il parcourt les grandes étendues désertiques, arides et poussiéreuses qui englobent alors l’Amérique à la recherche du pauvre bougre qui ne se doute pas déguster des pruneaux comme dernier repas. Boire, manger, trouver des renseignements, tel est le régime jusqu’à ce qu’on retrouve ce coyote barbouilleur qui va lui rapporter une tonne de fric. Sauf qu’il y a un hic, notre hors-la-loi développe une certaine appréciation de l’œuvre de ce pied-tendre. Ses convictions vacillent. Il se laisse même tirer le portrait devant le Sleeping Giant par C.M.R. ! C’est toi qui devais le lui arranger, abruti ! Il s’est emmêlé les pinceaux. Tout devient flou ; la fin de l’histoire aussi.

L’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage : les gens, la bouffe, les places. Retrouver un peu de soi à travers les milles parcourus. S’harmoniser avec le décor à la manière de pigments qui se mélange sur la palette. Récupérer ses couleurs ou en découvrir de nouvelles. Ce qui devait être un règlement de compte finit en quête initiatique. Tu es le peintre.

Incroyablement divertissant, on comprend vite pourquoi l’album a remporté le prix Bédélys Indépendant Francophone lors de sa première sortie en 2021. Cette récente édition augmentée offre un complément d’information sur cette époque qui inspire toujours fascination. Sans se vouloir un pastiche du style, les auteurs (Étienne Poisson et Olivier Robin) montrent leur affection pour le rétro en raison de son psychédélisme et son humour à retardement. On se sent rassasié comme si on avait englouti « une bière froide, un whisky tablette et un repas chaud. »
Bull’s eye les gars !




Laisser un commentaire