Notre corps est bien plus qu’une carcasse ambulante pour se déplacer du divan au réfrigérateur. Il est un vaisseau qui contient nos états d’âme et véhicule nos émotions grâce à nos différents appendices branchés sur le monde. Un monde à la fois merveilleux et cruel. L’homme est un loup pour l’homme et d’innocents agneaux sont sacrifiés pour assouvir de bas instincts. Leur chair fraîche est consommée sans qu’on ait pu les protéger de leur prédateur. Emily Carrington a été la victime d’un agresseur qui lui a volé son enfance. Elle raconte en détail comment il s’y est pris pour la piéger et les démarches entreprises pour sortir de ses griffes dans Notre petit secret.

« Tu veux dire quand Richard t’a violé ! » fut le constat d’un collègue de travail lorsqu’elle lui en parla bien des années plus tard dans la salle de repos. Il se sera écoulé 27 ans depuis les premiers attouchements aux mains d’un ami de la famille. Une famille dysfonctionnelle, rongée par les dettes et la maladie mentale. La jeune Emily a tout de même vécu une enfance « heureuse » malgré la froideur et les disputes incessantes de ses parents. Les choses commencèrent à se gâter alors qu’elle emménagea avec son père dans une bicoque sans électricité ni eau courante. Le quinquagénaire dépressif et fauché à d’autres préoccupations que de veiller constamment sur sa fille de 15 ans. De toute façon, on peut faire confiance à notre gentil voisin qui prend soin de nous pendant cette période de vaches maigres, non ? Une fois bien emberlificotée, l’adolescente a perdu tout libre arbitre et le contrôle sur son corps. Elle lui appartenait et devait garder leur petit secret à jamais. Elle n’avait personne à qui le dire de toute manière. Le cauchemar se dissipa finalement, mais pas le bourbier dans lequel elle patauge depuis.

Il fallut qu’elle le recroise des décennies plus tard pour que surgissent les souvenirs refoulés et la douloureuse réalisation que les agissements de cet individu retors ont dicté sa vie et ses relations en plus de la faire crouler sous le poids de ce lourd passé hanté par la honte. À défaut de foutre un coup de pied dans les couilles du vieillard, elle décide de le traduire devant la justice afin que tout le sache. Un bien piètre baume qui jamais ne guérira complètement les blessures infligées. Beaucoup d’argent et de temps ont été engloutis pour resserrer les mailles du filet par lequel il a fini par s’échapper. Il ne reste plus qu’à se reconstruire et tourner la page.

On pourrait accoler à cette œuvre les attributs conventionnels qui sont de mise tandis qu’on se fait parler de violence sexuelle — qui plus est lorsque celle-ci est perpétrée sur des enfants — mais ça va plus loin que ça. On traite ici d’un sujet grave sans effusion ni fioritures. La vérité toute crue, nue et à la vue de tous pour que l’on puisse saisir l’étendue des dégâts, aiguiser notre vigilance et peut-être empêcher l’irréparable. Une lecture aussi éprouvante que divertissante.




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