BDQG

Depuis la nuit des temps, on a regardé le ciel avec fascination. Ces petits points lumineux nous guident, nous inspirent et nous aspirent. Grâce aux astres on cherche d’où l’on vient et peut-être qu’un jour ceux-ci nous aideront à trouver un nouvel endroit à squatter lorsque notre planète ne sera plus habitable. Qu’importe que ces boules de gaz enflammées soient éteintes depuis des lustres, car elles brillent toujours à nos yeux. Elles sont éphémères et éternelles comme la gloire. Pas étonnant que l’on affuble les artistes du même sobriquet, eux qui parfois ont tendance à se prendre pour le centre de l’univers. C’était tout le contre d’André Fortin dont on relate la vie tumultueuse dans Dédé de Christian Quesnel.

Tout le monde connaît le frontman des Colocs, mais peu ont eu la chance de le côtoyer au quotidien. Comme une de ses sœurs l’a déjà évoqué, l’homme qu’il a été tend tranquillement à s’effacer avec les années au profit du personnage quasi mythique que ses fans ont érigé. Cette adulation le rendrait mal à l’aise alors qu’il ne souhaitait que créer afin d’évacuer la myriade d’idées se bousculant dans sa tête. Ce n’était pas un poète maudit, mais un maudit bon Jack qui rêvait d’un monde meilleur. La célébrité, très peu pour lui ; tant que les gens font le party en chantant ses tounes, c’est ben en masse. Pis si sa gang de chums sur le BS peut être rémunérée pour figurer dans un clip et en même temps faire chier les ploutocrates à travers du processus, even better ! Son aversion pour les riches surpasse sa sympathie pour les pauvres. Frondeur, mais pas crâneur. Insouciant et insoumis…

Sauf quand on en vient à l’amour. Malgré sa propension à se lier d’amitié avec la multitude d’individus qui gravitent dans son orbite, il demeure seul, fragile et instable. Loin d’être un mégalomane se gavant de l’énergie des foules en liesse et des groupies en pâmoison, il craint de ne pas être digne du grand A. C’est pourquoi il ne veut pas rater la chance de vivre à fond chaque relation quitte à s’y brûler les ailes et plonger à une vitesse fulgurante vers le gouffre abyssal de la dépression. C’est lors d’une tempête parfaite que le garçon à casquette de capitaine et sourire goguenard finit englouti par les flots malgré les bouées qui lui ont été lancées. 

WO ! WO ! WO ! Dédé
Dédé, Dédé, Dédé
Dis-moi comment tu fais pour endurer tout ça
Dis-moi qu’est-ce que j’peux faire pour te venir en aide
Chasser les démons qui rentrent dans ta tête

Une autre œuvre ambitieuse de Christian Quesnel qui multiplie les bons coups. L’accès privilégié aux carnets intimes du regretté chanteur met en lumière des pans de sa vie encore méconnus alors que les témoignages parsemés à travers les pages font échos à ces dires. On ne tombe pas dans l’atermoiement ni dans la glorification. Toute l’émotion passe par les planches savamment illustrées. On a juste le goût de se taper la discographie des Colocs pour se rappeler une époque pas si lointaine où on regardait le même ciel que Dédé.