L’ouvrage

Ça peut être l’œuvre d’une vie ; un moyen de subsistance qui nourrit aussi bien le corps que l’esprit. C’est l’accumulation des gestes et de l’expérience qui viennent avec le temps. Il faut apprendre à aimer ce que l’on fait. Être fier de qui l’on est. Reconnaître qu’on a une valeur et de l’importance. C’est voir la beauté qui nous entoure en essayant de l’imiter. Y mettre du cœur. Y mettre du sien. C’est un don de soi que partage un père et ses fils à la conception d’une bande dessinée comme L’ouvrage de Félix, Loïc et Dominique Trudeau. 

L’ouvrage, Mécanique générale, 2024

Une petite astronaute devant l’immensité de l’espace. Voilà maintenant une éternité qu’elle en arpente les confins pour guérir et semer. Les plantes, les arbres et les fleurs lui chuchotent leurs secrets qu’elle prend soin de noter dans un registre qui ne cesse de grandir. La richesse de la flore interstellaire dépend d’elle : telle est sa mission, sa raison d’être. Les habitantes et habitants des cailloux qu’elle visite la remercient rarement de sa contribution. Ce n’est pas qu’ils ne tiennent pas à l’environnement, mais certains y voient une sorte d’intrusion de la part de celle qui débarque comme un cheveu sur la soupe. Ils ont un droit souverain de vie ou de mort sur ce qui pousse sur leur planète. Vaut mieux avoir une vive réaction que son contraire. Ses patrons sont tout à fait désintéressés de son travail et n’en ont rien à cirer de ses rapports étoffés à la manière d’une élève modèle dont le seul crime est de peut-être trop en faire. Pas d’étoile dorée dans son cahier, mais la satisfaction d’avoir fait une différence. Mais est-ce vraiment le cas ? Elle pourrait prendre sa retraite et goûter au fruit de son labeur entouré de chlorophylle sans qu’on se rende compte que sa serre flottante a disparu du radar. C’est plus facile à dire qu’à faire à travers les alertes retentissantes qui se réverbèrent contre les parois du vaisseau, la forçant à intervenir prestement.

L’ouvrage, Mécanique générale, 2024

Les végétaux qu’ossa donne ? 

Pourquoi se donner autant de mal si c’est pour finir dans l’oubli. Sans vouloir être défaitiste, la botaniste du cosmos arrive au constat que tout s’éteint éventuellement et qu’il est impossible de freiner cette inexorable marche vers la mort. Empêcher l’inévitable draine de l’énergie. Pour ne pas être aspirée dans le trou noir de la vacuité, elle n’a qu’à se poser la question : « Aimes-tu ça ? »

L’ouvrage, Mécanique générale, 2024

Toute en langueur cette fable allégorique fait son chemin en nous. On exploite efficacement notre fibre écologiste et notre sentiment d’attachement à la terre mère. Notre côté philosophique s’active et nous aide à remettre les choses en perspective. Les idées en apesanteur, la vie semble plus légère. La synergie opère dans le trio pour venir former une constellation. Les illustrations foisonnantes de Dominique sont propulsées par le texte de Félix, limpide comme une goulée d’oxygène dans un scaphandre pour ensuite passer à la vitesse lumière grâce aux images de synthèse de Loïc dont les textures granuleuses ponctuent le récit. De la belle ouvrage, les gars !

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