BDQG

Ça tourne toujours et encore. Jour après jour, notre planète et ses habitants effectuent une révolution. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il y a d’importants bouleversements dans leurs vies, oh que non ! Plusieurs font du sur place en trépignant et maugréant qu’ils souhaitent changer de décor ou au moins une parcelle de leur quotidien. Les plus philosophes acceptent leur sort avec sérénité alors qu’une frange se battra bec et ongles pour sentir ce vent de fraîcheur qui souffle le renouveau. D’autres achèteront Un billet pour nulle part comme dans la BD de Christine Dallaire-Dupont alias Nunumi. 

Une petite fille coiffée d’un grand chapeau à la dégaine d’une rouquine aux pignons verts traîne une imposante valise bourrée de ses effets et affects. Billet en main, elle surveille avec nonchalance la venue d’un véhicule qui lui permettra de faire un bout de chemin et par le fait même cheminer. Elle ne semble pas le moindrement maussade ou désespérée de quitter cette gare située au milieu de la cambrousse ; le paysage est bucolique, le soleil plombe, les cigales chantent. C’est peut-être justement parce qu’il ne s’y passe jamais rien qu’elle veut déserter ce lieu idyllique. Parfois, le manque de stimulation peut devenir un facteur aggravant. Ce n’est pas tout le monde qui est pantouflard et souhaite prendre racine. Nombreux sont ceux qui ont la bougeotte et sont avides de nouvelles expériences. Peu importe ce qui motive la jeune demoiselle, sa décision est irrévocable ; elle doit tenter sa chance et explorer des avenues inattendues. Mais s’y prend-elle correctement ?

À première vue, cela sent mauvais. L’aventurière n’est pas convaincue de suivre la bonne piste. Elle est encline à être agréablement surprise par une intrusion dans un microcosme qui est à mille lieues de ses repères, mais là on se croirait dans une ménagerie : ça n’a ni queue ni tête ! Il vaut mieux débarquer et attendre de grimper dans ce qui paraît être une croisière tout inclus où les bénéfices semblent trop beaux pour être vrais. Derrière cet écran de fumée, elle se sent disparaître, effacée et translucide. Se fondre dans le décor, très peu pour la voyageuse. Il y a assurément une alternative qui arrivera en gare pour lui regonfler l’espoir. La chance lui sourit lorsqu’un groupe de ses congénères tout ce qui a de plus normaux sont assis bien docilement dans l’autobus. Pas d’esbroufe ni d’effusion de joie. Il n’y a rien à part, l’apathie et des larmes essuyées à la dérobée. Son côté espiègle prendra le dessus pour faire tomber les masques et laissera une impression marquante. Ce qui la mènera à une constatation éclairante sur sa capacité à se mouvoir selon ses propres moyens à la cadence désirée.

Délicieusement limpide, cette histoire aux mécanismes efficaces nous guide jusqu’à destination : un état contemplatif où il fait bon refléter sur le sens que l’on donne à son existence. Une très belle incursion en bande dessinée pour celle ayant une vaste expérience dans le milieu de l’animation et a contribué au succès de plusieurs projets d’envergures, dont la réalisation de Katak, le brave béluga. Pas étonnant que la première autopublication de l’artiste visuelle ait remporté un Joe Shuster Award. À conserver sur vos écrans radars.