Le passé tend à être relégué aux oubliettes. Un chouïa de son influence se fait sentir, mais son apport à la civilisation demeure bien dissimulé aux générations futures, et ce, dans toutes les sphères. Un exemple probant nous vient du monde de la musique où tout est un copié/collé arrangé au goût du jour. Le Québec n’est pas épargné même si son héritage est plus modeste. Réduit au gaminet de Safia Nolin et une rotation en continu sur Rock Matante, Gerry Boulet et Marjo ont été au cœur d’une rivalité épique relatée dans Québec Rock de Michel Giguère, Christian Quesnel et Félix Rose.

Il était une fois le rock and roll. Sa popularité s’étend maintenant au-delà des frontières américaines et frappe de plein fouet le Québec. Des hordes de jeunes possédant une fureur de vivre sortent des sentiers battus et jouent dans des groupes aux noms farfelus. Les années soixante furent un bouillon de culture dans lequel évoluèrent et se multiplièrent les émules. Seuls les plus tenaces et talentueux réussissent à se tailler une place. Des électrons libres se fusionnent et donnent naissance à Offenbach — rien à voir avec la musique du compositeur et violoncelliste français. Un son lourd et une voix qui frappe comme une tonne de brique. Une décennie à rouler sa bosse, remplir des salles et démolir des chambres de motel. La dissension et les égos enflés ne font pas bon ménage et des membres quittent le navire. Qu’à cela ne tienne, il y a des gens talentueux à la pelletée. Ça ne donne pas toujours un heureux mélange, mais ça permet à la formation de se hisser dans les palmarès et de gagner des trophées. Ils sont les rois incontestés du rock jusqu’à ce que plane l’ombre d’un corbeau passant au-dessus du trône.

Il n’est pas annonciateur de malheur — pas encore — mais plutôt de renouveau. Des transfuges du groupe initial sont maintenant aux commandes de l’oiseau noir au grand dam de Gerry qui se sent trahi par ses frères d’armes. Arrive en scène le porte-étendard du clan adverse ; la fougueuse et frondeuse Marjo qui se fait les dents en venant jouer dans la cour des grands. Ça rue dans les brancards et ça brasse la cage. Les fans sont au rendez-vous et savourent cette rivalité qui ne fait qu’amplifier le génie créateur. La balloune se gonfle et gonfle jusqu’à ce qu’elle leur pète dans la face. Les deux bands perdent leurs voix distinctives qui ont fini par faire la paix avant que Boulet ne devienne plus léger.

Ça fait du bien de revoir ces visages. Les chansons surgissent dans nos têtes au gré des pages. Le courant passe entre les acolytes : Rose (initiateur), Giguère (textes), Quesnel (illustrations). Une direction claire où les images sont en adéquation avec les mots dans un style graphique qui sert sciemment la cause. On a accès à l’envers du décor qui lorsque le rideau tombe n’est pas aussi reluisant qu’il en a l’air. Un rendez-vous doux qui se laisse apprivoiser plus facilement que les chats sauvages.




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