Quai Ouest : entre dépendance et rédemption

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Tous les philosophes du dimanche ont tôt ou tard réfléchi à l’absurdité de la vie. Force est d’admettre que c’est l’expérience la plus étrange que l’on puisse imaginer. Tourner sur un globe, travailler toute son existence et mourir. Le cycle des saisons et tutti quanti. Il est normal de compenser ou de s’étourdir, à tout le moins de s’engourdir pour amortir les coups. Les stupéfiants et l’alcool sont de bons moyens d’arriver à ses fins, mais ils viennent avec leur lot de conséquences. C’est au Quai Ouest qu’Antoine devra payer sa dette en attendant de reprendre la maîtrise de ses moyens. 

Quai Ouest, Station T, 2024

Ce n’est pas de la tarte (à la lime) pour l’ex-détenu fraîchement sorti de prison : une passe de dope qui a mal viré. Il était perpétuellement sur le party depuis son coming out et il a tout foutu en l’air pour soutenir son appétit : famille, carrière, liberté. Maintenant qu’il est repenti et déterminé à changer de bon, la tentation ainsi qu’un motard à qui il doit une rondelette somme, lui mettent le grappin dessus. Cette fois le plan est infaillible : travailler en tant que gérant de restaurant dans le Village (le Quai Ouest) tout en servant de distributeur pour les pushers du coin après les heures d’opérations. Tout était en place pour que l’ardoise soit effacée en un rien de temps avant que tout parte en vrille. La pression est insoutenable et la cadence infernale. C’est comme laisser un gamin sans surveillance dans un magasin de bonbons. Les profits sont aspirés et les créanciers exaspérés. 

Quai Ouest, Station T, 2024

C’est la course contre la montre qui s’amorce. Il est mieux de retrouver le contrôle avant de se noyer dans ce bourbier. On le menace de perdre l’usage de ses jambes à court terme s’il ne se secoue pas les puces. Il risque aussi de perdre d’autres membres : ses enfants souffrant beaucoup de son absence et de ses excès. Empêtré dans un tissu de mensonges, il tente tant bien que mal de dompter ses démons d’autant plus que les forces de l’ordre ont commencé à flairer la magouille. Il suffit d’un faux pas avant qu’il ne finisse derrière les barreaux ou celui d’un corbillard. Notre boussole morale a le tournis quand on est acculé au pied du mur. On commet bien des accrocs lorsqu’on est accro. Tout ça pour dire que le chemin vers la sobriété est parsemé d’embûches qu’il devra surmonter s’il veut protéger sa progéniture des affres de ce monde.

Quai Ouest, Station T, 2024

Un récit cru (Alexandre et Mathieu Vanasse) et parfois dur à digérer, ancré dans une réalité qui n’est pas nôtre, mais qui aurait pu si le sort en avait décidé autrement. Un feu roulant d’émotions qui nous tient en haleine jusqu’au dénouement lors duquel on entrevoit un filet d’espoir pouvant se rompre à tout moment. Des images fortes (Alexandre Paul Samak), dynamiques et évocatrices à mi-chemin entre le manga et Sin City où l’on joue habilement des contrastes. Une première incursion dans le monde de la BD qui risque de laisser des traces.

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