Nous ne faisons que passer. On est venu faire une petite visite. Toutes ces interactions qui nous modèlent. Ces gens qu’on côtoie. L’existence est éphémère et éternelle. Une insignifiance, un iota, un grain de sable, de la poussière d’étoiles. Que restera-t-il de notre séjour autre que des souvenirs fugaces qui finiront par s’émousser avec les années. Il y a aura les vestiges de ce que l’on a bâti et des chemins arpentés pour y arriver. Subsisteront également les traces imprégnées dans le cœur de ceux qu’on a croisés. Julien Poitras nous raconte son parcours dans Le poids de nos traces.

Le serment d’Hippocrate prononcé par le docteur Poitras est lui aussi bien gravé dans sa mémoire. L’importance de ces mots qui pèsent lourd de sens se traduit dans ses actions et enseignements. En tant que doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval, il aime rappeler à chaque nouvelle cohorte de garder le cap sur la raison première de leur formation : prendre soin du monde. Ce ne sera pas toujours facile de conserver un optimisme à toute épreuve dans une société sur le point d’imploser. Là où les failles du système amenuisent les ressources et éteignent l’espoir d’un paquet de gens dévoués à notre bien-être collectif. On puise à même la planète pour alimenter la machine qui finit par nous rendre mal en point. La santé universelle, mais seulement si vous pouvez vous la payer. Nous sommes tous dans le même bateau à naviguer une mer houleuse en souhaitant arriver à bon port.

Le Saint-Laurent ; le petit Julien l’apercevait du loin de sa campagne. Il ne travaillait pas sur la terre familiale. Son élément c’est l’air ; il aime fixer le ciel rempli d’étoiles, d’idées et de chauves-souris. Sa première leçon d’anatomie et accessoirement avec la mort fut lorsqu’il découvrit à la lueur du matin une de ces graciles boules duveteuses, inerte, offrant paisiblement son corps à la science. Le futur urgentologue avait déjà compris la valeur d’une vie. Tout ce qui nous entoure à une influence et un battement d’ailes peut changer le cours de l’histoire — la nôtre. Chaque diagnostic et action posés entraînent une réaction en chaîne qui amène des répercussions importantes chez la patientèle ne cherchant qu’à alléger sa souffrance. Quant est-il des siennes ? Une fracture doit être effectuée pour ne pas casser. C’est pourquoi la nature et le fleuve qui l’a vu grandir ont un effet salutaire sur sa condition. L’art devient un remède.

Moitié biographie, quasi documentaire, un brin philosophique : il se passe quelque chose quand on se balade à travers les réminiscences de cet être vivant comme il y en a des milliards d’autres. Sa version des faits nous met devant nos contradictions et notre fragilité. Ce sont des mots empreints de sagesse qui soulignent à grands traits les maux qui affligent notre époque. Pas de solutions, juste un constat. Un accès privilégié nous conviant à ce qui se trame derrière les portes battantes d’une aire ambulatoire. Beaucoup plus facile à déchiffrer qu’une prescription.




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