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Une sonnette, un drapeau, un cri : toutes des façons d’attirer notre attention. La signification de cette alerte tarde parfois à se révéler tandis qu’il est urgent d’agir. Cela réveille de vieux réflexes enfouis dans notre cortex. Fight or flight? Telle est la question. On ne lutte pas toujours pour sa vie, mais pouvoir la fuir demeure envisageable. On court après l’amour pour repousser la mort. Personne ne veut finir seul. L’inaccessible engendre l’envie puis la frustration. Plusieurs souffrent en silence alors que d’autres se mettent en branle avec des conséquences parfois funestes. Pourtant tous les voyants étaient allumés au Rouge signal.

Bienvenue à l’ère des réseaux sociaux où le défilement des profils exacerbe le désir d’entrer en interaction et le besoin de chaleur humaine. Alexandre — pas Alex — n’est pas différent des autres. Vingtenaire lambda aux aspirations modestes, il peine à susciter l’attention chez les femmes sur lesquelles il jette son dévolu. Elles ne sont tout bonnement pas intéressées par sa salade ni son baratin. Chaque revers à l’effet d’une gifle et son égo meurtri est au tapis. Son ressentiment ne fait que croître depuis que sa collègue naguère embauchée performe mieux que lui et devient par conséquent la rock star du bureau alors que lui trime dur pour des résultats médiocres. La solitude qu’il éprouve alimente son manque de confiance en soi et se métamorphose en terreau fertile dans lequel les idées radicales de son feed Instagram peuvent germer. Il se transforme insidieusement en graine d’incel qui a traversé la matrice. Une fois cette misogynie intégrée, il ne reste plus qu’une étincelle pour passer de la parole à l’acte. La rage le consume. Le feu est allumé et détruit des vies. Est-ce que ça en a valu la peine ? Un si gentil garçon qui ne ferait pas de mal à une mouche même s’il essayait. Dommage pour ses victimes qui voient leurs rêves partir en fumée. 

Elles ne sont pas virtuelles et travaillent au salon de manucure en face de chez lui. Cinq filles à la complicité et la pétulance contagieuse liée par le triste sort d’être née avec un double chromosome. Leurs discussions tournent autour de trouver le bon et de comment l’homme vient de mars et la femme de vénus — deux solitudes indissociables. Les gars sont des gogols et cohabiter devient un combat de tous les instants. Il y en a sans cesse pour piétiner ton château de sable « juste parce que je peux. » Ils finissent toujours par gagner…

De belles images pour accentuer la laideur du monde. Laurie Agusti est aux commandes de son engin qu’elle contrôle parfaitement : découpage, mise en page, dérapages. Tout est en place pour nous garder en haleine en suivant le chemin parsemé de drapeaux rouges. Le traitement de cette problématique masculine à travers un autre prisme ajoute à la trame. L’autrice nous laisse tirer nos propres conclusions et amorce un dialogue — de sourd — alors que les opinions sont plus polarisées que jamais. Il faudra se défendre bec et ongles les amies.