Juste une grosse roche qui flotte dans l’espace façonné sous pression et grouillant de vie, la Terre est devenue un terrain de jeu pour ses habitants. De l’exploration de ses profondeurs abyssales jusqu’à l’escalade des montagnes les plus abruptes, les humains ont un besoin de se surpasser qui est propre à son espèce. On retrouve à travers les âges des traces de ces exploits qui inspireront la prochaine génération. C’est le cas d’Esther Bordet dont l’oncle Pierre fut de la première expédition à tenter et réussir l’ascension du cinquième plus haut sommet. Elle marchera des décennies plus tard dans ses pas vers le Makalu.

Six pour être précis. Pierre Bordet était une légende dans la famille. La petite Esther eut la chance de le côtoyer de son vivant. Les diapositives projetées sur les murs de sa maison eurent un impact assez important pour qu’elle devienne elle aussi géologue. L’emprise de la soif d’apprendre et du voyage l’ont amenée aux quatre coins de la planète. Maintenant aguerrie, c’est à titre posthume qu’elle lui rend hommage en entreprenant un périple à travers le Népal jusqu’à l’Himalaya. D’une beauté inaltérée, comme si le temps s’était suspendu, elle retrouve les paysages inchangés, comme son oncle les avait capturés il y a plus d’un demi-siècle. Soit, le Makalu a déjà dévoilé la plupart de ses secrets, mais il n’en demeure pas moins que l’expérience reste saisissante. Affronter la nature et ses éléments apporte son lot de récompenses qui n’est surpassé que par la fierté d’avoir accompli le même tour de force que tonton. En quasi-solo, qui plus est. Rien à voir avec l’entreprise rocambolesque qui a monopolisé une tonne de ressources et plus d’un an de préparatifs pour l’équipe d’alpinistes français. Tout ça dans le but de damer le pion à l’Angleterre ayant conquis l’Everest l’année précédente.

À chacun son Everest. Gravir le Makalu demeure un projet ambitieux, pour ne pas dire dangereux. Imaginer qu’il fallut 300 porteurs comme autant de fourmis dépasse l’entendement. C’est Tintin au Tibet en action. Et on ne parle pas des sangsues et de la chaleur tropicale. Qui aurait cru que monter sur un tas de minerais glacés aimerait son lot d’exotisme ? C’est plus qu’un amoncèlement de cailloux pour les scientifiques qui y voient une pépite d’informations. Malgré les années qui les séparent, la présence de tonton se manifeste à chaque camp de base. Un lien indéfectible qui traverse les époques.

Il y a de ces BD qui font rêver et Makalu est l’une d’entre elles. On vit par procuration une aventure plus grande que nature. Le triomphe de la volonté combiné à la solidarité des locaux nous rappelle la beauté du monde à travers d’astucieux jeux de camaïeux. À la fois journal de voyage et récit biographique, l’enchevêtrement des histoires est cristallin comme l’air à 8000 mètres d’altitude et enivre tout autant. Ce qui prouve qu’on peut pérégriner à petit prix. Il suffit que d’autres aient l’étoffe de grands aventuriers et possèdent le talent pour narrer de la même manière que Esther et son oncle.



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