On a tous besoin de magie dans nos vies. Il faut croire à l’indicible ne serait-ce que pour s’accorder une pause de notre existence qui manque par instants cruellement d’effervescence. Les enfants sont reconnus pour avoir une imagination foisonnante alors que les adolescents eux, cherchent plutôt l’aventure et les sensations fortes. C’est notamment le cas des protagonistes de la première bande dessinée de Geneviève Bigué, Parfois les lacs brûlent, qui souhaitent mettre à l’épreuve la véracité d’une vieille légende pouvant les mener à la fortune.
La foudre est tombée sur le lac Kijikone qui s’est embrasé. Cela n’a rien de mystique ou de surnaturel : une réaction chimique difficile à expliquer, mais facile à observer. La fumée qui encercle la région est visible à des lieues à la ronde et la rumeur court que le plan d’eau aurait développé la vertu de transformer en or tout ce qui y pénètre — c’est du moins ce que raconte l’histoire. Il n’en fallait pas plus pour créer l’émoi dans la cour d’école et qu’une bande d’amis empoigne leur courage à deux mains pour aller constater le prodige de leurs propres yeux. Ils sécheront les cours, prendront l’autobus pour arriver au point de départ et s’armeront de guimauves pour ce qui s’annonce être la plus cool des journées passées entre copains.
L’air est frais et les feuilles colorées. L’ascension jusqu’au brasier progresse aisément et l’hilarité est au rendez-vous. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’à ce que le groupe se scinde après un différend concernant un lapin. Les deux participants restants continuent leur périple et finissent par tomber nez à nez avec un mur de flammes qui dépasse l’entendement. Du feu ! Là où d’habitude se trouve de l’eau ; ce sont pourtant des ennemis jurés : deux éléments diamétralement opposés. Après quelques selfies témoignant de leur témérité, les comparses se mettent à l’action et balancent tout ce qu’ils avaient apporté dans la masse aqueuse. Pourvu que ça marche ! S’ensuit une série d’explosions qui met fin à l’expérience dans des conditions tragiques puisqu’un seul rentrera quasi indemne au bercail. Ils auront payé le prix ultime pour satisfaire leur curiosité sans jamais pouvoir récolter le fruit de leur labeur. La peine et la souffrance sont inextinguibles alors que s’effacent toutes traces du passage du phénomène météorologique. Comme si tout cela n’était qu’un mauvais rêve dont ils se réveilleront tôt ou tard. Leur amitié vaut son pesant d’or et ils ont le cœur lourd.

C’est une belle promenade douce-amère que cette aventure en forêt en compagnie de personnages fort attachants. On y trouve une intrigue bien ficelée où l’on coche beaucoup de cases rendant la lecture captivante. C’est comme revenir à la maison. Un classique mis au goût du jour. Dans des teintes ferreuses où coexiste le gris cendre, on peut presque sentir l’odeur de roussi et nos poumons se comprimer sous l’effet des émanations toxiques. Difficile à croire que Geneviève Bigué en est à ses premières armes dans le milieu de la bande dessinée. Les autres n’ont qu’à bien se tenir.