La mangouste

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On naît et on meurt. Entre-temps, il y a un paquet d’épreuves qui se succèdent sans que l’on comprenne comment on en est arrivé là. Tout peut s’arrêter en un battement de cils. Notre monde, chamboulé, sens dessus dessous. La faute peut être rejetée sur des éléments hors de notre contrôle ou bien dirigée vers une source en particulier. Celle-ci occupera une place prépondérante jusqu’à en devenir une obsession. Tout moyen est bon pour essayer de composer avec le deuil d’un être cher. Parfois, on en vient à chasser La mangouste pour avoir semé le désordre et le trouble dans sa vie. 

Julia ne va pas bien. Ses journées sont une longue succession de trajets du salon à la chambre à coucher. Paulo, son amoureux, est mort foudroyé par la maladie. Elle flotte en apesanteur, léthargique et indolente. Il n’y a que sa mère pour la tirer de sa torpeur en l’incitant à se secouer les puces. Elle a de l’expérience puisque son mari a fui la maison pour ne jamais y revenir — même pas à l’anniversaire des enfants. Le funeste événement soude les liens familiaux alors que frère et sœur habitent momentanément sous le même toit, le temps de se remettre sur pieds. Lui non plus n’a pas la grande forme depuis qu’il a tout perdu : travail, copine, domicile fixe. Il passe le plus clair de son temps affalé dans le divan à cultiver des légumes et chasser les papillons virtuels. L’aînée ne comprend d’ailleurs pas l’attrait pour ces activités du quotidien que l’on pourrait accomplir si on se donnait la peine de pointer le nez dehors. 

Ce qui nous amène au jardin ou du moins ce qu’il en reste. C’était l’idée de Paulo de se mettre au bio. Sauf que maintenant c’est à Julia de s’en occuper depuis qu’il mange les pissenlits par la racine. Un leg qui lui rappelle cruellement son absence. D’autant plus qu’elle doit protéger le carré de terre d’une mangouste métaphorique qui a osé saccager sa mémoire. À travers les démarches pour s’en débarrasser, elle entame à son insu un processus de guérison qui viendra à bout de cette bête qui la hante et la ronge. Les paroles remplies de sagesse de sa mère lui soulignent que : « Les obstacles ne sont pas des barrières. Ce sont des escaliers. C’est dur de monter des escaliers. Mais une fois qu’on y arrive, la vue est tellement belle. »  Les années passeront et la douleur s’atténuera pour laisser place aux souvenirs aigres-doux. 

La mangouste, Pow Pow, 2023

Très agréable récit tout en poésie du quotidien. À travers les dialogues, les non-dits et les paysages en négatif sont mis en reliefs un pan de l’expérience universelle. Cet appel à l’introspection et au recueillement fait du bien à l’âme. Comme quoi un dessin vaut mille mots et le silence est d’or. D’une simplicité désarmante, mais d’une efficacité redoutable, ce premier livre traduit de Joana Mosi laisse une carte de visite des plus convaincante et donne l’irrépressible envie de se jeter sur le reste de son œuvre pour s’y plonger sans retenue. 

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