La fin du commencement

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Vous sentez-vous parfois vraiment seul. e. ? Isolé. e. dans la foule ? Comme si vous veniez d’atterrir sur un autre continent. Des milliers de personnes déracinées et déboussolées déambulent sur les trottoirs chaque jour sans que l’on connaisse leur histoire. Le plus meilleur pays du monde en accueille son lot qui re/font leur vie. Comme Fadi Malek : Libanais d’origine qui a quitté sa patrie et dont le destin fait l’objet d’un roman graphique intitulé La fin du commencement (Nouvelle Adresse). Le tout émerge d’une rencontre fortuite de l’autrice Anne Villeneuve (Une longue canicule) et Fadi (nom fictif) dans un café de quartier.

La guerre, toujours la guerre. C’est ce qui pousse les gens à fuir vers d’autres contrées. Ça et la persécution. Le pays du Cèdre n’a pas échappé aux mœurs conservatrices aux relents d’homophobie ambiante qui sévissaient dans les années 80. Chrétien, musulman, tout le monde écopait. Il valait mieux taire ses préférences sous peine d’être traité en paria. Et dans la famille de Fadi, ça ne rigole pas tous les jours. On se doit de marcher droit, d’avoir des notes irréprochables et de devenir médecin. La vie du gamin de 14 ans est déjà toute tracée. Dommage qu’il n’ait ni l’ambition ni les résultats scolaires pour occuper cette profession. Ce n’est pas grave, il fera architecte. C’est un métier facile, il n’aura qu’à dessiner. Voilà, le genre de réflexion auxquelles est confronté ce grand rêveur. C’est déjà assez dur d’être un ado alors imaginez vous sentir habité d’une attirance que vous avez du mal à comprendre. C’est un âge de découverte et d’émancipation, pas de répression et de déception. Mais, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sa famille, hein habibi ? 

Il devra déménager loin d’elle pour la protéger de ce qu’il est : un homosexuel qui déteste l’architecture. Pourtant la guerre est terminée. Cela n’a pas endigué le sentiment grandissant de ne pas être à sa place et de suffoquer dans cette existence qui n’était pas la sienne. Un diplôme universitaire dans un pays ruiné et en ruine ne vaut rien. Il aura passé cinq ans dans un sous-sol humide à accomplir les tâches ingrates d’illustres architectes récoltant les honneurs. Il allait se noyer. C’est le Canada qu’il choisit comme bouée de sauvetage. Plus précisément, Montréal : métropole métissée favorable à la diversité. Il est pauvre, il est seul, il est libre. Il continue malgré tout de mentir à ses proches, leur brossant un tout autre portrait allant jusqu’à s’inventer une copine pour gagner du temps. Whatever… Tant qu’on a un bon voisin qui nous accepte pour qui l’on est, it’s all good. On pourrait même dire que c’est la fin du commencement d’une belle histoire pour notre nouvel ami.

On explore ici un sujet maintes fois exploité, mais qui demeure une source intarissable de récits fascinants car chacun amène son lot d’exotisme. Vivre par procuration est une expérience enrichissante puisqu’elle nous permet de comprendre d’autres réalités qui nous resteraient sinon inaccessibles. C’est tout en finesse et sobriété que l’on fréquente le quotidien de cet immigré qui ne l’a pas toujours facile au long de son parcours, mais qui réussit à se faire un nid douillet et à déployer ses ailes. Un livre aussi attrayant que touchant. 

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