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On sort d’une torpeur où les choses semblaient si tangibles. Il se cache à travers nos synapses une réalité altérée qui parfois dépasse l’entendement. Durs à digérer ou durs comme fer, les rêves revêtent toujours une part de vraisemblance. Certains se sont fait des spécialistes de l’interprétation de ceux-ci. C’est peut-être aussi totalement aléatoire et les analyser ne sert à rien. Pour en inventer ça prend une imagination débordante à l’instar de celle de Luca Privitera qui nous convie dans un Voyage en apnée : une vision kaléidoscopique de la psyché humaine couchée sur papier glacé.

Par où commencer ? Ça n’a souvent ni queue ni tête. Les méandres de notre matière grise sont fascinants et effrayants à la fois. Des flashs qui passent sous nos paupières en un clin d’œil en renfermant des moments d’éternité. Parlez-en à la petite Rose qui fabule aussi bien des araignées végétales pouvant n’en faire qu’une bouchée autant qu’une forêt de tomates ne voulant pas terminer broyées par ses maxillaires. Ça, c’est quand elle ne converse pas avec une stalagmite ayant fait la Deuxième Guerre. Ça prend dès lors des allures de cauchemar quand Cristo accepte le pistolet tendu par le fongus qui pousse sur le mur de sa demeure délabrée. On se doit de tuer le temps à défaut de se faire sauter le caisson. Nous ne sommes que des poissons dans leur bulle filant à toute vitesse dans un bocal souterrain ; à nous les effluves, l’air vicié et le mélange des microbes avec des étrangers à l’heure de pointe. Il faut imiter cet artiste de télé déchu et mordre dans la vie comme dans un sandwich au rôti de porc avec deux belles croûtes anesthésiantes. Sa dépendance l’entraîne vers les bas-fonds. Espérons qu’il trouvera le repos à l’exemple de cet homme qui dans son sommeil songe à Kadhafi qui lui-même rêve à sa propre mort sous le soleil cuisant du désert Lybique. Tout le monde retient son souffle, plongé dans ses souvenirs, à travers l’éther et l’espace-temps afin d’effectuer un voyage en apnée avant que tout vole en éclat tel une nuée de perroquets nous ramenant à la matérialité. 

Autant de mises en abyme que de visions différentes nous emmenant dans des univers oniriques où la fiction fusionne avec la raison. Le personnage d’Elvire croit que lors d’un sommeil profond le cerveau devient une machine à probabilités. Pas moyen de savoir sur quoi on va tomber. Ce n’est pas grave, car on accepte tout en bloc puisque ça se peut dans une quelconque dimension que nous visitons dans nos états de léthargie quotidienne.

C’est un très beau cadeau que fait Luca Privitera en nous laissant s’asseoir aux premières loges de son esprit en éruption. Ça fait parfois peur, mais c’est grandiose à regarder. L’auteur choisit d’insuffler une part d’ombre à ses récits pour faire rejaillir la lumière en fin de compte. Le style graphique réaliste aux soupçons de psychédélisme cadre parfaitement aux tableaux peints par l’artiste. Une forte première impression pour celui qui est subjugué par un puissant désir de raconter.