La peur des auteurs

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C’est une autre sorte de vertige, une affection qui vous paralyse et ampute de moitié votre cerveau. Vous devenez complètement niais, en pâmoison devant tant de prestance et de charisme ; un peu comme lorsque vous voyez le père Noël au centre commercial. Sauf que cette fois, il s’agit d’un écrivain, assis sur une chaise, attendant à son kiosque que quelqu’un daigne s’approcher pour lui demander une dédicace. N’est-ce pas merveilleux de rencontrer un auteur dans son élément naturel : un salon du livre ? Deux êtres effarouchés, se fixant, un timide sourire aux lèvres, espérant établir un contact. C’est la rencontre de deux solitudes : l’ermite et le rat de bibliothèque.

Je dois vous avouer que j’ai déjà vécu une situation semblable au Salon du livre de l’Outaouais l’année dernière. Mon auteur favori, Stéphane Dompierre , était là en chair et en os ; pincez-moi ! Bon, qu’est-ce que je fais… est-ce que je vais à sa rencontre ? Oh non, pas tout de suite ! Je dois rassembler mon courage. Je vais fureter un peu à travers les stands et je reviendrai à la fin de ma visite.

Petite parenthèse, Stéphane est l’auteur d’un recueil de chroniques intitulé Fâché noir, dans lequel il déblatère sur tout ce qui l’exaspère dans son quotidien. En voici d’ailleurs un extrait.

Il ne faudrait pas confondre intelligence et connaissance. Un gros con capable de citer de mémoire le nom des sept nains dans Blanche-Neige reste tout de même un gros con.

Ou encore…

Si tu veux être certain que je ne t’écouterai pas, commence une phrase par : « Hier, j’ai rêvé que… ».

Vous voyez maintenant à quel genre d’individu j’ai affaire !

Nous sommes très loin du Stéphane Dompierre de Jeunauteur s’essayant à l’écriture d’un premier roman avec dilettantisme. Cette bande dessinée de Pascal Girard, dont Dompierre signe les textes, nous peint le portrait d’un gars un peu niais dont la vie s’embourbe un peu plus à chaque page.

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Jeunauteur © 2008 Dompierre (Stéphane) / Girard (Pascal) / Québec Amérique

Ce n’est pas tout d’écrire un roman, encore faut-il qu’il soit lu ! Dans le  deuxième tome, Jeunauteur : Gloire et crachats, l’écrivain en herbe nous convie à prendre part à cette mécanique tout aussi laborieuse : de l’illustration (un clown qui joue du banjo), à la photo de l’auteur (celle de sa mère, erreur de l’imprimeur), le tout s’avère cauchemardesque.

Vient maintenant le temps de la consécration ; à moi les hordes d’admirateurs ! Loin de là : le pauvre est seul à son stand, à donner la direction des toilettes, se faisant invectiver tout en évitant les crachats.Pas facile d’être homme de lettres, surtout quand ta grande rivale est Lulu Fafofu, auteure à succès de livres pour enfants.

C’est en ayant en tête ces deux incarnations de mon auteur favori que je me dirigeai dans sa direction. Je m’arrêtai net ,stupéfait; il y avait maintenant foule à sa table. J’étais soulagé de le savoir aussi populaire, mais surtout un peu dubitatif. Vous voulez savoir quelle était la cause de toute cette commotion? Il avait été supplanté par un animateur de talkshow sur le déclin venant de sortir un bouquin insipide pour relancer sa carrière.

Comme quoi la réalité rencontre souvent la fiction.

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