À la vie à la mort.
Jusqu’à ce que la mort vous sépare.
Mourir par amour.
Comment se fait-il que l’on utilise un vocabulaire aussi sombre alors que l’on qu’on fait référence à un sentiment qui emplit notre être de lumière ? On dirait presque une malédiction. Les anglophones vont jusqu’à tomber en amour : s’abîmer dans cet espace-temps où n’existe que l’être cher. Nous souffrons parfois d’amnésie, effaçons des pans entiers de notre personnalité et de notre passé ; tout ce qui compte, c’est l’ici et maintenant. Nos proches ricanent en voyant notre air béat ; nous flottons sur un nuage.
Est-ce que des sensations diamétralement opposées peuvent coexister dans le même sentiment ? Rassurez-vous, je ne me lancerai pas dans un exposé philosophique sur les tenants et aboutissants de l’Amour avec un grand A. Je vais simplement m’en tenir à cette assertion : l’amour nous contrôle et s’amuse avec nous tel un chat avec une souris. Nous passons le plus clair de notre temps à vouloir l’obtenir sous toutes ses formes et nous nous effondrons lorsqu’il nous quitte. C’est alors que s’installe une souffrance incommensurable. Nous errons sans but comme des zombies. Wow ! Je ne pensais pas partir sur une telle tangente…
Parlant de zombies, j’ai cette fois jeté mon dévolu sur 23h72, première parution du bédéiste Blonk chez Pow Pow ; il s’agit aussi de son premier ouvrage, qui plus est, le seul en couleurs à ce jour pour cette maison d’édition. Cette explosion du cercle chromatique couchée sur papier contraste joyeusement avec le sujet traité : un triangle amoureux avec un mort.
Vous pouvez vous détendre, il ne s’agit pas d’une histoire sordide, flirtant avec l’horreur et le stupre.C’est l’histoire de JC, un pauvre bougre qui a tout perdu : sa dulcinée, sa maison, son travail… puisqu’il est mort. C’est après neuf mois de sommeil ininterrompu qu’il se réveille six pieds sous terre. Une fois revenu à la surface, son premier réflexe est d’aller retrouver l’élue de son cœur. Hélas, celle-ci a refait sa vie avec un collègue de bureau. Un gars qu’il ne peut pas sentir, par-dessus le marché…l’ignominie!

Heureusement, il peut toujours compter sur son meilleur ami pour l’héberger. Aussitôt arrivé à son appartement, sa copine le fusille du regard, l’intimant de jeter le cadavre ambulant à la rue. Elle qui semblait pourtant l’apprécier de son vivant ; il y a quelque chose qui ne sent pas bon et ce n’est pas JC. Je laisse planer le mystère ? Je vous le donne en mille : Ils sont secrètement amoureux et l’état de putréfaction avancé de notre Casanova n’y a rien changé. S’en suit l’histoire classique des amants rongés par le remords et du conjoint trompé, anéanti par la trahison. La chute est brutale, mais salvatrice.
Mystère et boule de cristal
Le fait que l’apparence repoussante du personnage principal ne semble affecter aucunement les autres protagonistes demeure nébuleux. Il est pourtant ratatiné comme un pruneau tel un Rascar Capac des temps modernes. Également, le titre 23h72 est empreint de mystère. Je suis peut-être à côté de la plaque, mais je crois que l’action s’étale sur trois jours. Si Blonk lit un jour ce billet — ce qui est fort peu probable — est-ce qu’il pourrait éclairer notre lanterne ?

Les raisons pour lesquelles JC a été recraché sur Terre restent cachées. Il s’agit peut-être d’un châtiment ou alors de l’ultime chance de remettre les pendules à l’heure. J’essaie tant bien que mal de trouver un sens profond, une métaphore à ce récit graphique, mais rien ne semble me sauter aux yeux autre que l’amour ne meurt jamais. Ah oui ! Il rend aussi aveugle et anosmique, beurk !