Tetris ou l’art de rendre accro

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Je n’aime pas me triturer les méninges quand vient le temps de m’amuser avec des jeux vidéo. Oubliez les quêtes à n’en plus finir et les combats statiques à la RPG. Je suis plutôt du genre FPS : enfoncer la porte, éclater des têtes et poser les questions après. Il y a pourtant une exception à la règle : ce bon vieux Tetris. Un programme informatique aux allures génériques, mais tellement révolutionnaire. On finit par y succomber malgré son scepticisme. Il y a des centaines d’offres plus visuellement alléchantes, bourrées d’explosions et d’effets stroboscopiques.

Pourquoi est-ce que je voudrais m’accabler à emboîter des formes avec comme trame de fond Casse-Noisette ?

Moi, c’est avec un Game Boy que j’ai sombré dans la dépendance — oui, j’ai vu danser des blocs sous mes paupières. Il est fascinant de constater qu’un mécanisme considérablement simple, donne des résultats aussi probants : on devient accro. Bien d’autres se sont fait happer par les mâchoires du monstre numérique, conception de l’informaticien de l’académie des sciences de l’URSS, Alekseï Pajitnov. L’un d’entre eux est Box Brown, l’auteur de cette BD qui lui rend honneur, sobrement et intelligemment à l’image du puzzle qui a su captiver le monde un joystick à la fois.

Tetris, La Pastèque – 2017

C’est derrière le rideau de fer que les pièces se sont mises en place. À force de cogiter sur le jeu en tant que représentation de la vie, il en vient à s’imaginer une version électronique du casse-tête en bois Pantomino. Lui qui en réalité travaillait à un logiciel de reconnaissance de la voix concentrait la plupart de ses énergies à son dada sans pouvoir deviner qu’il s’apprêtait à ouvrir une brèche entre l’Occident et l’URSS par le langage universel du jeu… vidéo. Par force des choses et un brin de hasard, deux solitudes se rencontrèrent à travers les dédales administratifs et les tours de passe-passe. La compagnie nippone Nintendo, qui depuis peu fabriquait des bornes d’arcades — l’Hanafunda n’ayant plus connu de sommet de popularité comme à la création de l’entreprise en 1889. Elle est sortie victorieuse du combat avec le Big Boss du dernier niveau et a pu ainsi acquérir ses droits, propulsant Tetris en orbite tel un Spoutnik pixélisé. Qu’est-il arrivé au concepteur ? Eh bien, il est retourné travailler, tout simplement… prolétariat oblige. Un peu à l’instar d’un high score, le nom de Pajitnov ne suscitera que peu d’intérêt, sauf chez quelques gamers de la vieille école.


Tetris, La Pastèque – 2017

Fidèle à son style documentaire Brown réussi encore à nous surprendre et nous faire réfléchir sur une des facettes qui nous rend intrinsèquement humains. Tel un archiviste, il nous donne accès à sa réserve personnelle. Elle ressemble plus à la chambre d’un geek de 12 ans en 1987 qu’à un haut lieu du savoir. Il y a pourtant un rigoureux travail de recherche. Ce qui est d’autant plus admirable : ce n’est pas plate ! Il est capable d’aller extraire le filon, concasser tous ces faits durs et froids pour ne garder que l’essentiel à l’exploitation de ce sentiment élémentaire qu’est le plaisir. Les idées tournent dans tous les sens, s’imbriquent et forment un schéma cohérent avant de disparaître et laisser la place à d’autres. Ça me rappelle vaguement quelque chose…

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