Moi ce que j’aime, c’est Emil Ferris

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L’enfer, c’est les autres. Nous sommes tous coupables— en partie, en totalité, et parfois même en fatalité. Le monde est peuplé de drôles de créatures. La vie c’est comme un roman dont vous êtes le héros avec ses gentils et vilains monstres pouvant nuire à votre quête. Le sort en est jeté. Des êtres sordides, tordus et vénéneux s’agglutinent à votre personnage, lui subtilisant ainsi de précieux points de force. Avec de la chance, on s’en sort indemne. Même sous des lieux plus hospitaliers, on sent toujours les effluves du marécage bourbeux duquel on vient de s’extirper. La folie nous épie de ses yeux jaunes. Il vaut mieux que les plaques de notre armure résistent à l’assaut. On a parfois un coup de pouce, mais la plupart du temps, on fait cavalier seul. De toute façon, nous savons comment cela finira. Rien ne sert de crier à l’aide. Comme un célèbre poète d’Oakland a déjà dit :

Life’s a bitch and then you die

Bon… s’en en finit de cet apitoiement. J’ai du mal à me défaire de cette impression d’être englué de toiles d’araignée tapissant les murs d’une crypte. Une crypte dans laquelle se trouve un coffre maudit contenant toute la misère du monde. C’est plus fort que tout, il faut l’ouvrir. Mais n’avons-nous rien appris en visionnant Indiana Jones ? Cette irrépressible envie qui nous force à regarder au bord de l’abime. Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, c’est un peu ça. Un miroir sans tain donnant avec vue sur le quotidien d’une petite fille de milieu modeste vivant dans le Chicago de la fin des années 60. Ostracisée par ses pairs, elle se réfugie — littéralement — dans l’art et se vautre de comics d’horreur jusqu’à elle-même prendre l’allure d’un loup-garou.




Moi, ce que j’aime, c’est les monstres ,
Alto – 2018

Derrière cette trame se joue aussi une intrigue policière ; on a assassiné la voisine de palier, rescapée des camps de concentration. Rajoutez-en une couche avec la mère qui se meurt du cancer et vous avez une recette pour la bande dessinée la plus déprimante depuis un bon bout de temps.


Moi, ce que j’aime, c’est les monstres , Alto – 2018
Il n’en est pas ainsi. Bizarrement.

Moi, ce que j’aime, c’est les monstres , Alto – 2018

On obtient plutôt un halo lumineux semblable au flash d’une explosion atomique, une milliseconde après sa détonation ; c’est magnifique et à la fois terrifiant. Une onde sourde qui souffle tout sur son passage. Emil Farris a su par son premier opus tirer sur les ficelles comme seuls les grands peuvent le faire : le talent pour raconter de Will Eisner — qui ne tarit pas d’éloges à son sujet —, les dessins psychédéliques de David B et la propension de Manu Larcenet à trouver de l’humour là où il n’y en a pas. La proposition artistique est quant à elle réussie avec son look de cahier d’école/journal intime rempli de gribouillis et de ratures. Et dire qu’elle a fait ça aux stylos à bille. Pas très écolo tout ça ! Mise à part la catastrophe environnementale imminente qui nous guette, on ne peut que se réjouir d’apprendre que l’auteure récidivera avec un deuxième volet de cette bande dessinée qui a remporté un succès monstre à Angoulême.

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