Les ananas de la colère

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Ananas m’en rappelle plus

Je ne suis jamais allé à Trois-Rivières. Peut-être, mais je ne m’en rappelle pas en tout cas. Sans vouloir manquer de respect aux Trifluviens… c’est juste que ma mémoire sélective combinée à mon incapacité flagrante à m’orienter fait que je suis totalement inapte à conserver des souvenirs géographiques. Je sais une chose par exemple : si j’avais visité le quartier hawaïen de Trois-Rivières, je m’en souviendrais !

Les ananas de la colère, 2018, Éditions Pow Pow

Pour les amis hors Québec, Trois-Rivières n’a pas et n’aura jamais de quartier hawaïen — pas plus qu’elle n’abrite une concentration de gens issus de ces îles paradisiaques. Mais si Cathon le dit, c’est que ça doit être vrai. Alors, laissez-vous embarquer dans ses histoires sans queue ni tête. Vous allez en avoir pour votre argent.

Y’ananas-ra pas de faciles

Une barmaid amatrice de romans policiers aux noms farfelus, sure. Une danseuse de limbo de calibre international, why not coconut. Des scorpions tueurs qui détestent les ananas… euh ? Le tout est à l’image des drinks tropicaux servis à L’Ananas d’or : hétéroclite, mais ô combien savoureux ! À consommer d’une traite, sans modération.

Dans la plus pure tradition des whodunnit, nous suivons la trace d’un hypothétique assassin qui déballera son sac une fois acculé au pied du mur. Jusqu’ici rien d’anormal. Au fil des cases, les indices sont dévoilés au compte-gouttes par des collaborateurs qui se font trucider alors qu’on s’apprête à découvrir le pot aux roses. C’est plutôt l’univers débridé dans lequel est campée l’action qui donne tout son attrait à la BD. On sait que tout ce qui porte l’attribut « hawaïen » est synonyme de kitsch pour ne pas dire carrément quétaine.

Ananas-merican dream

Tout ça, c’est de la faute à Elvis. Sans recherches exhaustives, je peux d’ores et déjà avancer qu’il y a une corrélation à établir entre les blue suede shoes et les chemises fleuries aux couleurs criardes — une époque immortalisée dans Blue Hawaii dont l’iconographie a servi le coup d’envoi à tous ces excès de parasols et de cerises au marasquin qui sévit encore dans quelques tikis-bars de la planète.

En parlant du King, prenez le temps de visionner cette scène d’anthologie d’Elvis Gratton pour bien vous imprégner de cet état d’esprit propice à faire un fou de soi en jupe de paille et brassière en noix de coco.

Ananas-na Ananas-na Hey! Hey! Good Bye!

J’ai un peu honte d’avouer que nous avons tous un petit Elvis qui dort en soi, prêt à exécuter la macarena ou la danse d’Hélène pendant une épluchette de blé d’inde et ça, Cathon le sait très bien. Alors, elle en profite au maximum, truffant les cases de moult clins d’œil rappelant tout ce qui nous est cher de ce patrimoine voué à disparaître en même temps qu’une tranche de la population du Québec. Car oui, il s’agit d’une BD célébrant ce côté ringard — pas toujours assumé — des Québécois qui nous rend si attachants.

Les ananas de la colère est à des années-lumière du classique de Steinbeck, mais on n’en tient pas rigueur à la bédéiste puisqu’elle s’amuse allègrement à dissimuler à travers les pages des allusions à d’autres grandes œuvres du vingtième. Je crois même y avoir décelé un monologue de Point Break. Une lecture qui ne manque pas de punch, où l’action et les gags déferlent au rythme des vagues du Saint-Laurent.

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