Temps libre : rêver mieux

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On n’y échappe pas. La vie va tellement vite. Elle est aussi mal faite avec ses aléas et ses ornières. C’est sans oublier ces œillères que l’on préfère à la vérité toute crue qui gâcherait notre plaisir de participer à cette grande aventure humaine. Doté d’une conscience et de la pensée critique — parfois —, il nous arrive de cogiter sur notre sort et d’évaluer notre progression sur l’échiquier afin de savoir si nous sommes en bonne voie de gagner la partie. Mais, qu’est-ce qu’on y gagne au juste ? C’est à ce genre de réflexions que nous expose Mélanie Leclerc dans sa deuxième bande dessinée, Temps libre.

Temps libre, Mécanique générale, 2020

Essoufflée. Mélanie est essoufflée. Elle est mère de trois enfants : un travail à temps plein. Elle est aussi commis à la bibliothèque en attendant que les choses décollent. Cinéaste de 45 ans en quête de réussite et de reconnaissance, elle tente d’achever un court métrage sur sa marraine Louise, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elles courent toutes les deux après ces précieuses secondes qui fuient puisqu’une fois le dernier grain du sablier écoulé, il ne restera rien de la matière première de son film à part une coquille vide. C’est donc avec diligence et très peu de moyens qu’elle grave les images sur des mètres de pellicule. C’est ce qui l’anime et l’amenuise. 

Travailler. Réaliser. Douter. Répéter.

D’ailleurs, que signifie réussir sa vie ? Rouler sa bosse à perpétuité tel un Sisyphe des temps modernes ? C’est si facile pour certains ; les aspirations se mêlent aux besoins du quotidien pour former une trame cohésive, une synergie qui nourrit la matrice. Mélanie explique que notre existence se déroule en parallèle sur deux lignes qui parfois se croisent : celle de l’ici et maintenant cohabitant avec celle de tous les possibles pour nous faire miroiter l’espoir de jours meilleurs. On navigue entre deux eaux en se laissant emporter par le courant — inutile de lutter contre lui. Il faut occasionnellement faire des choix qui vont à l’encontre de nos aspirations et se départir de ses rêves ; les ranger dans le fond d’un tiroir, les oublier momentanément ou les abandonner carrément faute d’avoir la chance de les réaliser. Car, effectivement, la chance y est pour beaucoup : on aura beau se donner corps et âme, fournir des efforts colossaux et n’arriver absolument à rien qui vaille. Rendu là, aussi bien s’en remettre à sa bonne étoile ou la fée marraine.

Temps libre, Mécanique générale, 2020

Mélanie Leclerc persiste et signe avec cette seconde œuvre intimiste qui s’arrime dans le sillage de la première, Contacts. Introspective et pleine de lucidité, l’autrice trace un portrait du quotidien qui résonne chez beaucoup d’entre nous et fait réfléchir sur la place que l’on accorde à l’aboutissement de nos rêves comme vecteurs de bonheur. Sans tomber dans le sentimentalisme, elle insuffle à son récit une douceur qui contraste avec la brutalité du sujet. Une leçon de résilience qui saura mettre un baume sur vos blessures d’amour propre et vous consoler dans vos décisions mal assumées. Une lecture réconfortante qui fortifie l’âme.

Temps libre, Mécanique générale, 2020

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