Ça ne doit pas être évident d’être connu. Les individus lambda que nous sommes ne peuvent concevoir l’énormité de la chose ; cela vous change et vous façonne à jamais — même si vous avez juré de rester intègre et fidèle à vous-même. Cela doit être d’autant plus déroutant lorsqu’on est le King : Elvis Presley n’a jamais aspiré à devenir un monstre sacré. L’ascension fulgurante et tumultueuse n’a pas été de tout repos et c’est l’endos du médaillon doré serti de pierres que Kent et Patrick Mahé nous dévoilent dans Elvis : ombre et lumière.

L’histoire d’Elvis ressemble à celle de bien d’autres artistes à plusieurs égards à l’exception d’être la première à être médiatisée à l’échelle planétaire. On y fait la rencontre d’un garçon timide, au talent et au charme incommensurables, qui après avoir essuyé quelques revers, se retrouve propulsé au sommet des palmarès avant même d’avoir pu comprendre ce qu’il lui arrivait. Cette soudaine notoriété vient avec son lot d’avantages : argent, femmes et hordes de fans, mais aussi avec un train de vie infernal. Tout le monde se l’arrache. Il multiplie les concerts, les apparitions et les conquêtes. Il se gorge de cette adulation sans pourtant s’y vautrer, le laissant sans le sentiment de plénitude que procure l’amour — autre que celui qu’il éprouve pour sa tendre maman. Il a cette pureté d’être que le showbiz n’a pas su entacher malgré le personnage plus grand que nature qu’il s’est forgé avec la force du temps. Il restera toujours ce blanc-bec, un peu benêt d’un trou perdu du Mississipi à qui l’on ne doit rien de moins que le rock and roll.

Mais là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. Son faux colonel de gérant a les yeux plus grands que la panse et son appétit insatiable pour l’argent transforme l’artiste en animal de foire. Arrive alors le moment de la conscription où le musicien est appelé à servir son pays. Pendant deux ans, dans l’Allemagne de l’après-guerre, le roi est devenu un simple soldat, loin du grappin de ce manager sans scrupules. Cela aurait pu lui être bénéfique s’il n’avait pas développé un penchant pour les amphétamines administrées pendant les manœuvres près de la frontière tchèque. Sa mère rend l’âme ; le monde s’écroule. La vie n’a plus de sens et il ne sera plus jamais pareil. Elvis has left the building. Dès lors, sa santé — aussi mentale que physique — périclite au même rythme que sa notoriété s’accroit, jusqu’au jour où il meurt en disgrâce assis sur son trône.

Voilà l’image qui s’est cristallisée dans la conscience collective : un chanteur ringard, clinquant et démodé sur le déclin. Kent et Mahé ont remis les pendules à l’heure et rendu à César ce qui est à César en nous guidant à travers les méandres de son existence et tracer un portrait à la hauteur de son inestimable apport à la musique et à la culture populaire. Le roi est mort, mais sa légende vie toujours.
Thank you. Thank you very much, Elvis.