Le film de Sarah

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Vous connaissez le feeling lorsqu’on est loin de chez soi ? Celui qui nous rend réceptifs et prompts à l’émerveillement. Notre rapport à l’autre et au territoire se modifie ; les inhibitions tombent et on veut tout apprendre des lieux et des personnes qui y vivent. L’invitation au voyage demeure une source intarissable de récits dont on ne se lasse pas. Celui à propos du Film de Sarah de Caroline Lavergne nous catapulte sur un plateau de tournage de la Côte-Nord. 

Le film de Sarah, Nouvelle adresse, 2022

Nouveau-Québec, c’est le nom qu’on donnait autrefois à la zone géographique située au-delà du 55e parallèle nord. C’est aussi le titre d’un long métrage de Sarah Fortin dont l’action se déroule dans l’ancienne ville minière de Schefferville. Celle-ci ne revêt certes pas l’éclat d’antan, mais elle demeure habitée par une poignée d’irréductibles qui embrassent son climat rigoureux. Les communautés autochtones avoisinantes viennent y faire leur tour et imprègnent de leur présence ancestrale les mœurs locales. Tout ce monde y vit dans une certaine harmonie. Recluse, quasi-inconnue du reste de la Belle Province, ses grands espaces arides semblant sortis d’un film de science-fiction et ne laissent personne indifférent. Caroline a été subjuguée par sa beauté sauvage et les individus rencontrés lors de son passage. 

Le film de Sarah, Nouvelle adresse, 2022

Mais qu’y faisait-elle au juste ? Elle imitait la souris : discrète, à l’affût, silencieuse. Armée de son cahier et de sa patience, elle répertorie les scènes et les plans séquences. Elle essaie tant bien que mal de s’esquiver parce qu’elle est dans la shot mais en gros elle vit le moment. Ça tombe bien puisque c’est sa première BD et le premier long métrage de son amie. Il faut capturer l’essence de cet interstice d’un mois et traduire l’expérience d’une vision artistique en un tout cohérent. Ça implique beaucoup de doute et de remise en question de la part du duo. Caroline est donc témoin du quotidien d’une équipe de parfaits inconnus qui dans un élan de coopération vont porter à bout de bras ce projet jusqu’à ce que le dernier « COUPEZ ! » s’envole en volutes dans l’air glacial.

Le film de Sarah, Nouvelle adresse, 2022

On dira ce qu’on voudra, mais Schefferville c’est pas mal kickass. L’environnement, l’immensité, le vide… Parfois il se manifeste dans les trous béants et la machinerie abandonnée au fond de ceux-ci. À l’occasion, c’est au fond des yeux de ceux qui contemplent leur avenir s’il y reste indéfiniment. Le choc des cultures peut être brutal ou bénéfique, c’est selon votre état d’esprit. On y (re) découvre les frontières physiques et métaphoriques. That’s a wrap, comme on dit.

Le film de Sarah, Nouvelle adresse, 2022

Plein de candeur et d’humour, entre le reportage et la fiction, cette incursion initiale dans l’univers de la bande dessinée sied particulièrement bien à l’autrice qui a le don d’exploiter les bons filons. On se met à vivre par procuration à travers ces planches magnifiquement illustrées à l’aquarelle et l’envie de partir sur un nowhere se fait sentir. Une très belle escapade hors des sentiers battus où s’amalgame plaisir et érudition grâce à l’accès privilégié de l’envers du décor et des personnages qui le compose.

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