La résilience : quel terme galvaudé ! On l’utilise à outrance et c’est tout à fait légitime puisqu’il s’agit d’un mécanisme de défense face à un monde des plus stressant, rempli de promesses de bonheur éphémères et de gloire instantanée. On se tape sur la tête ou sur la gueule pour des broutilles. Les échecs et les déceptions s’accumulent, mais ce n’est pas grave ; on se relève, on se dépoussière et on remonte en selle. C’est ce qu’on appelle avoir la couenne dure. Parlez-en à Val-Bleu qui en a fait le thème principal de son album portant justement le même titre que l’expression à quelques « s » près.
Couennes dures, ça s’appelle Couennes dures !
Raphi est maganée : son corps, sa tête et son cœur ne sont plus les mêmes depuis l’accident de vélo qui lui a valu une grosse commotion et une vilaine cicatrice. Elle erre sans but dans l’appartement qu’elle partage avec un coloc qui commence à en avoir assez de son bordel. Son chum aussi se languit de retrouver la fille qu’il a jadis aimée et — spoiler alert — finit par la larguer malgré le baratin sur son support indéfectible. Comme un malheur n’arrive jamais seul, elle abandonne sa maîtrise sur les divinités hindoues qui de toute façon « ne sert à rien ». Bon ben… on sacre son camp en Inde ? Fuck it, ce n’est pas comme si quelqu’un ou quelque chose la retenait.

La voilà donc avec un billet aller simple et un solide clash des cultures en perspective. Le dépaysement est total ; l’immersion aussi. Pas le choix de se démerder pour trouver une carte SIM dans les dédales de Delhi et les directions pour se rendre au temple aux rats en pleine cambrousse du Rajasthan. Que les dieux soient loués — Brahma, Vishnu, Shiva ? —, elle peut compter sur l’aide d’un gentil garçon pour l’accompagner dans son périple. La poisse continue de lui coller à la semelle et le bus dans lequel ils prennent place crache de la fumée sur le bord de la route. Une petite traversée du désert ? Envoye donc ! Au point où on en est.

En tout cas, c’était une maudite bonne idée parce qu’elle est de nouveau prise en charge par un groupe de femmes — dont une moustachue — traînant leur bagage émotionnel sur le dos d’un dromadaire. Elles aussi ont une mission et partent à la recherche d’un sens à leur vie. Elles ne sont pas en quête de spiritualité même si celle-ci est omniprésente au quotidien. Tout le monde y va de son histoire et déroule le fil du mystère qui les entoure comme les cheveux d’un sadhu. C’est là qu’on s’aperçoit qu’on a tous des blessures qui sont difficiles à guérir et que ça vaut la peine d’essayer d’avancer parce qu’on ne sait jamais ce qui nous attend dans le détour.

Qu’il fait bon voyager à travers les pages de cette bande dessinée ! On sent vraiment l’amour porté à cette région du monde par l’auteure, elle-même voyageuse aguerrie. C’est coloré, c’est instructif et dépaysant. Ouvrez votre esprit et votre troisième pour apprécier cette aventure en territoire inconnu pleine d’humour et d’humanité. Lecture fortement recommandée au globe-trotteur qui sommeille en vous.