L’amour…
Pour l’amour.
Par amour.
Dans le pré ?
L’amouuur crisse !
C’est le fil conducteur. La boussole orientant nos décisions. Il donne des ailes, terrasse et fortifie. Sans lui nous n’existons tout simplement pas. Il accompagne en trame de fond et bat la mesure du temps qui passe. Tel un ghost writer, il chuchote, inspire et échafaude nos plus belles histoires ou du moins celles qui laissent des traces. Jimmy Beaulieu est de ceux qui en à beaucoup à dire sur le sujet et ouvre à nouveau un pan de sa vie intime dans Jardin des complexes.
Il n’est pas simple de mettre des mots sur ce sentiment qui dicte nos interactions. Pourquoi n’arrivons pas toujours à expliquer les élans de notre cœur ? Décoder ses pulsions puis les coucher sur papier devient une catharsis, un exutoire, une planche de salut pour Jimmy qui célèbre the one that got away à travers les anecdotes. Disons qu’il a passé à travers des bouts rough ces dernières années. On se rend vite compte qu’il y a un air de famille avec nos propres expériences. Bon d’accord, nous avons tous éprouvé des tourments, mais ceux de l’auteur sont exacerbés par une rage de vivre qui a quelque chose de romanesque. Le ressac commence à l’émousser et à le polir à mesure qu’il avance en âge : » J’ai l’impression que vieillir, c’est devoir encaisser de plus en plus et se contenter de moins en moins. » Il y a des similitudes avec l’art ancestral du kintsugi ; craquelé, morceaux recollés et magnifiés. Il y a une certaine maturité qui s’acquiert avec les années ; on se remémore avec recul les scènes marquantes à travers les rêves et les déjà vus ; nous sommes à la fois acteurs et critiques.
Il n’y a pas que son jardin secret qui soit cultivé tout au long du livre puisqu’on y retrouve lovées entre les pages des (auto) fictions campées dans des situations parfois saugrenues, souvent mélancoliques et poignantes qui poussent à l’introspection. Ce sont des vignettes qui ponctuent et alimentent le récit principal à coups de manivelle de View Master afin de découvrir des variations sur un même thème : l’aventure humaine dans tous ses états d’âme. Des bouts du quotidien glanés à travers un regard dérobé et oblique. Nous sommes les témoins silencieux de ces vies qui fleurent les relents d’une époque pas si lointaine, mais dont le bourbier de notre existence a englouti. Ça fait parfois du bien d’avoir mal : « Je me suis dit que ça faisait longtemps que j’avais besoin de pleurer. »
Filial, fictif, chimérique, déchu ou inatteignable, c’est toujours avec acuité et un impeccable sens de l’esthétisme que l’inénarrable Jimmy Beaulieu nous convie à célébrer l’amour sous toutes ses formes. L’auteur est généreux dans les confidences autant que dans les dessins. On apprécie particulièrement le tempo et les silences évocateurs. C’est comme revoir un bon ami après plusieurs années d’errance et reprendre la conversation là où elle s’était laissée : cela coule de source. Ça faisait longtemps qu’on s’était pas vu, Jimmy.